Les organisations sont passées d’une gestion des risques ponctuelle et très opérationnelle dans les activités de conception ou d’exploitation, à une gestion des risques intégrée dans les systèmes de management et se déployant à tous les niveaux. De plus, l’intégration du concept du risque dans la prise de décision n’est plus réservée aux sociétés d’ingénierie de pointe comme le spatial ou le nucléaire. Pour tirer profit de ses avantages, les décideurs l’ont développé au fur et à mesure dans leurs organisations de tous types.
Pourquoi utiliser la prise de décision informée par le risque ?
La prise de décision informée par le risque permet aux décideurs de se protéger des biais décisionnels. Parmi ceux qui nous concernent tous au quotidien, il existe notamment :
- L’ancrage : ce piège considère que les décideurs donnent beaucoup plus d’importance à la première information donnée ou reçue. Cette information sert de base à la suite du raisonnement et impacte directement le résultat du processus de décision.
- Le biais de statu quo : « Ça a toujours été comme ça », cette phrase est un bon exemple du biais de statu quo. Ce biais illustre la réticence au changement, et cela, même si la situation initiale est défavorable. De plus, il y a une tendance chez les managers de penser qu’ils seront plus réprimandés pour avoir expérimenté plutôt qu’accepter le statu quo si un choix se révèle être le mauvais.
- Les coûts perdus : les coûts perdus correspondent aux coûts définitivement irrécupérables à la suite d’une mauvaise décision et au biais comportemental d’investir encore plus d’argent ou de ressource pour essayer de « rentabiliser » l’argent déjà perdu. Un processus décisionnel devrait, en général, se baser sur la situation actuelle et évaluer les options d’investissements sans prendre en compte les coûts perdus afin de dépenser le temps et l’argent au bon endroit.
- Biais de confirmation : ce biais se réfère à la tendance de donner plus de poids aux informations favorables à notre avis de base et nous pousse à chercher des informations validant cette vision initiale plutôt que l’inverse.
- L’effet de présentation : cet effet montre que l’être humain est sensible à la façon dont lui sont présentées les choses et que son choix ne se base pas que sur l’information objective sous-jacente. Une présentation positive basée sur les bénéfices pousse à un comportement proactif et risqué alors qu’une présentation négative du même élément, basée sur les pertes potentielles, entraîne un comportement plus hésitant.
- L’excès de confiance : il s’agit de la tendance à sous-estimer les difficultés et les incertitudes liées à notre niveau de connaissance. Ce comportement mène à des erreurs de jugement provoquant des mauvaises décisions.
Cette liste, non-exhaustive, montre que la majorité des décideurs sont régulièrement sujets aux biais décisionnels. L’intégration de la notion de risque dans la prise de décision permet une analyse plus objective et factuelle des informations et des scénarios.
Quand utiliser la prise de décision informée par le risque ?
Il est vrai que la mise en place de l’identification et l’évaluation des risques en amont complexifie le processus de prise de décision. Mais ce processus améliore grandement la qualité et la robustesse des décisions prises. Alors, l’enjeu est donc de déterminer les situations dans lesquelles le recours à une prise de décision informée par le risque est le plus adapté.
Pour cela, trois composantes majeures peuvent être identifiées : les enjeux, la complexité et l’incertitude.
Dans un contexte de prise de décision, ces notions sont définissables comme suit :
- Enjeux importants : le résultat de la décision a un impact significatif sur les objectifs de l’organisation. Les objectifs étant propres à chaque organisation, les thématiques peuvent être variées comme la sécurité, les coûts, l’environnement ou encore l’image.
- Complexité :
- Tout d’abord, la diversité des parties prenantes nécessite une attention particulière à la clarification de leurs attentes et la formulation de mesures de performances associées, notamment lorsque les parties prenantes reflètent une variété de valeurs, préférences et perspectives.
- Ensuite, plus le nombre de paramètres est grand, plus le besoin d’une analyse factuelle se révèle nécessaire pour arbitrer.
- Enfin, la diversité des alternatives possibles peut rendre la compréhension et l’arbitrage difficile sans analyse détaillée.
- Incertitude : dans un processus non-robuste, l’incertitude des variables d’entrée entraîne une incertitude sur l’impact des alternatives et les risques nécessitant d’être gérés, rendant la prise de décision plus difficile. Parmi les sources d’incertitude, il existe celle induite par les erreurs de mesures, la subjectivité des jugements, le manque ou l’abondance d’information, les informations contradictoires, ou tout simplement le hasard.
L’intégration du risque dans la prise de décision est appropriée pour les décisions critiques, qui correspondent au moins à l’une de ces trois notions. Dans ces situations, il s’agit d’un investissement en temps et en ressources nécessaire pour aboutir à la meilleure décision.
Comment intégrer la prise de décision informée par le risque ?
Bien qu’il n’y ait pas qu’une seule bonne pratique, il est conseillé de suivre ces 4 étapes :
- Identification des alternatives ou scénarios possibles.
- Analyse des risques des alternatives : quelles sont les conséquences et incertitudes associées aux actions envisagées ? Il faut considérer les objectifs des différents départements exécutifs et des différents domaines (sécurité, technique, coûts, planning…). La participation des différentes parties prenantes concernées est préférable.
- Sélection de la meilleure alternative en connaissance des risques, mais pas seulement. En effet, les informations doivent être considérées avec des poids relatifs à leur fiabilité et leur pertinence. La décision doit correspondre avec les niveaux de risques tolérés ou acceptés par l’organisation.
- Suivi des effets de la décision. Afin d’évaluer le processus de décision et de l’améliorer continuellement.
Il est important de souligner que l’approche par les risques est accessible à toute taille et type de structure. Son implémentation dépend du contexte et des objectifs de l’organisation. Donc sans nécessairement déployer un management du risque comme définit dans l’ISO 31001 ou des analyses statistiques complexes, l’intégration de ces bonnes pratiques ne peuvent qu’améliorer l’excellence décisionnelle de votre organisation.
Par ailleurs, les cabinets de conseils sont prisés, entre autres, pour l’implémentation de ces bonnes pratiques et leur indépendance. L’appel à des entreprises externes, représentant un tiers de confiance, est une solution performante pour les organisations aux nombreuses parties prenantes (autorité délégante, citoyens, autorité de régulation, financeurs, administrés, etc.). Depuis 2004 et via son modèle PACKiT (Process on Asset for Criticality and Knowledge by inspections and Testimonies), tbmaestro intègre cette notion de risque dans son expertise et ses conseils. Ainsi, tbmaestro se positionne en tiers de confiance et accompagne les gestionnaires d’actifs physiques.
Mots clés : risque, prise de décision, décideur, incertitude, biais, gestion des risques, complexité, enjeux
Date de rédaction : 15/06/2022
Rédacteur : Alexis Joseph
Sources :
Gerhard Ersdal. Risk informed decision-making and its ethical basis. Janvier 2007
Aniello Amendola. Recent paradigms for risk informed decision making. Octobre 2001
Kahneman et Tversky. Prospect theory. 1979 : https://www.uzh.ch/cmsssl/suz/dam/jcr:00000000-64a0-5b1c-0000-00003b7ec704/10.05-kahneman-tversky-79.pdf
Armacosta, R. L. and Pet-Edwards, J. Integrative risk and uncertainty analysis for complex public sector operational systems. 1999 : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0038012198000044
NASA. Risk-Informed Decision Making Handbook. Avril 2010 : https://ntrs.nasa.gov/api/citations/20100021361/downloads/20100021361.pdf
NASA. Evolution of Risk Management at NASA in the Context of Achieving Adequate Safety. Septembre 2012 : https://www.energy.gov/sites/prod/files/2013/12/f5/Dezfuli.pdf